mercredi 30 mai 2007

Un ennemi de poids (15)

Le port tout entier était en effervescence. Bien qu'ils aient tenté de rester discrets, les agents portuaires et les policiers venus en renforts pour fouiller un par un les bateaux à quai provoquèrent la colère de bon nombre de plaisanciers.
Moreno était en ce moment même pris à parti par un groupe de nouveaux riches en furie, outrés de ne pouvoir exhiber leurs luxueux yachts le long des côtes niçoises en cette magnifique journée ensoleillée. Le ton commençait à monter dangereusement lorsque Lefebvre débarqua pour le tirer de ce mauvais pas, flanqué de l'indéfectible Bill.
_ Tu peux les laisser partir, dit-il d'un air dépité. Celui qu'on cherche a quitté le port ce matin tôt... Trouve-moi Benedetti, je rassemble les équipes pour la suite des opérations.
_ Vous avez entendu, messieurs ? Vous allez pouvoir prendre la mer, en fin de compte... lança-t-il en s'adressant aux trois hommes furieux qui se retirèrent en bougonnant.
Puis, se retournant vers Lefebvre :
_ Ce n'est pas une excellente nouvelle, n'est-ce pas ?
_ Pas vraiment, non...
Dans la salle de réunion de La Tour, policiers et agents portuaires échangeaient leurs anecdotes du jour avec agitation. Rousseau et Williams étaient les avaient rejoints. Quand Benedetti fit irruption dans la pièce, le silence se fit d'un seul coup.
Guillaume sentait peser sur lui des regards pleins d'un mélange de curiosité et de pitié, et il avait horreur de ça. Mais il fallait qu'il assume. Il avait un peu joué du fameux code d'honneur en vigueur entre flics pour obtenir l'aide dont il avait besoin. En admettant que c'était de sa femme qu'il s'agissait, il savait que les hommes s'identifieraient à sa peine et lui fileraient plus facilement le coup de main qu'il attendait d'eux. Il devait donc accepter le revers de la médaille et admettre que leurs yeux lui disent « Pauvre vieux, j'voudrais pas être à ta place. Dieu sait ce que ce malade est en train de faire subir à ta femme... ». Là, ils attendaient tous qu'il prenne la parole.
_ Bon, les gars... L'analyse des listes et leur recoupement avec les informations que nous avons pu trouver à son domicile nous a appris que Daniel Lacomble a quitté le port ce matin à 8h47, selon les registres, à bord du « Youngblood », un voilier de 22 mètres. Destination déclarée : la Corse, port de Calvi. Mais à l'heure qu'il est, les collègues de Calvi n'ont enregistré aucune entrée correspondante. Deux possibilités, donc... Soit il a fait une pause et est encore en chemin, soit il a menti sur sa destination. Je pencherais pour la seconde alternative, mais les collègues de Calvi sont prévenus et gardent l'oeil pour la première. Ils vont même envoyer une vedette inspecter les navires à l'encre au large des côtes... Notre prochaine tâche sera d'arpenter les eaux internationales pour retrouver sa trace. Mais pour avoir une chance de le repérer, il faut cibler les recherches. C'est pour ça que nous sommes ici...
_ Nous allons coordonner les recherches depuis cette salle. Une équipe d'intervention se relayera en hélico, pendant que des équipes de recherches recouperont des informations, intervint Rousseau, qui voulait tout de même montrer qu'il était commissaire, même s'il savait que c'était important pour Benedetti de mener cette enquête. Williams et Bill, vous épluchez toutes les bases de données, extraits de comptes, actes notariaux, bulletins scolaires et tickets de supermarchés : je veux tout savoir sur sa vie, ses faits et gestes, ses passions, ses connaissances... Lefebvre et Moreno, vous allez nous aider à planifier les recherches par secteurs en nous indiquant les routes les plus probables. Quant à vous, messieurs, vous allez retourner sur les quais interroger tous ceux que vous pourrez su ce bonhomme. A commencer par ses voisins de ponton. S'il a éternué ou s'il pète la nuit, je veux le savoir. Au boulot, tout le monde ! Il n'y a pas une minute à perdre...
Tout le monde s'activa d'un coup : bruits de chaises qui reculent, carnets de notes qui se referment, portes qui s'ouvrent, gobelets en plastiques qui volent au bac... Dans ce tohu-bohu, Guillaume ferma les yeux un instant. Il revoyait le visage de Vera, à la lumière des bougies du « Palais Vénitien », juste avant qu'il ne reçoive ce coup de fil. Elle était si souriante, si belle, si amoureuse... Jusqu'à ce que ce satané portable ne sonne. Là, son regard a changé d'un coup. Elle avait tout de suite su ce que ça voulait dire. Il allait partir, la laisser seule une fois de plus. Elle avait baissé les yeux d'un air résigné. Son visage avait cessé de rayonner. Le sourire qu'elle avait esquissé au moment de lui dire au revoir n'avait rien de chaleureux. La tristesse qui émanait d'elle lui avait brisé le coeur et aurait dû le retenir, mais il avait une fois de plus choisi le boulot. Si il la retrouvait, ou plutôt quand il la retrouverait, il quitterait la police.
_ Vous êtes sûr que ça va ?
C'était Bill. Un véritable ange gardien, celui-là. Discret, prévenant et supérieurement intelligent. Il avait permis à l'enquête d'avancer à pas de géant.
_ Oui, oui, ça va. Bill, enfin Albert, je ne sais pas ce que vous préférez, je voudrais vous remercier pour tout ce que vous faites. Vous êtes vraiment d'une aide précieuse.
_ Mais non, mais non. Je n'ai de toutes façons rien d'autre à faire, ça me plaît de vous filer un coup de main. Puis, vous savez quoi ? J'ai pas touché une goutte d'alcool depuis plus de 14 heures... ça fait un bail que ce n'était plus arrivé. C'est moi qui devrait vous remercier.
Guillaume n'ajouta rien et se contenta d'un sourire, à peine visible mais sincère. Il éprouvait de la reconnaissance pour cet homme, et une sorte d'admiration et de respect aussi. Il n'avait jamais eu de rapports très proches avec son propre père, mais Bill lui inspirait une sorte d'amour filial instinctif.
(à suivre...)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Quelle productivite ! Bravoo!

Anonyme a dit…

Je vais certainement avoir des difficultes a me connecter a Internet dans les prochains jours mais je compte sur toi pour continuer ! C'est super ! Ta plus fidele lectrice ...