dimanche 20 mai 2007

Un ennemi de poids (13)

Alors que les brumes de son cauchemar se dissipaient, la nausée et la migraine étaient toujours bien présentes. Vera tentait de se réveiller de toutes ses forces, comme on essaie de s'extirper de sables mouvants. Elle reprenait d'abord conscience de son corps, allongé, glissé dans des draps. Ses bourrelets n'étaient plus en plasticine et pour la première fois, elle était presque heureuse de les sentir, parce qu'ils étaient « normaux ».
Lorsqu'elle parvint à ouvrir un oeil, puis l'autre, elle ne comprit pas tout de suite où elle était... On aurait dit un placard à balais aménagé en chambre. Tout était en bois, deux filets étaient accrochés de part et d'autre du lit. Ses chaussures et son string y étaient glissées et sa robe rouge pendait à un cintre. Face à elle, une petite porte, qu'elle pouvait toucher des pieds en restant allongée sur le lit.
En revoyant cette robe et ces chaussures, les images de la veille (mais était-ce la veille ? Il lui avait semblé dormir mille ans) lui revinrent en mémoire. Le restaurant, Guillaume appelé en urgence, son retour à pied plutôt qu'en taxi, le talon cassé (tiens, il était réparé d'ailleurs...), le mec en décapotable rouge... puis plus rien.
Prise d'une horrible pensée, elle glissa sa main entre ses cuisses, espérant ne pas y trouver d'odeur de sperme, ou de trace de sang. Tout semblait normal, mais cela ne voulait pas dire qu'elle n'avait pas été violée pendant son coma : il aurait très bien pu mettre un préservatif.
Assise sur le lit, elle se rhabilla en vitesse, préférant garder ses chaussures à talon aiguilles à la main en guise d'arme, et actionna la poignée de la porte, qui s'ouvrit aussitôt. En se glissant hors du lit, elle eut du mal à assurer sa position debout. A la migraine s'était ajouté le tournis, et elle dû se tenir aux murs de l'étroit couloir pour avancer. Une violente nausée la prit par surprise et elle ne put s'empêcher de vomir. Visiblement, elle n'avait rien mangé depuis un certain temps, parce que ce n'était que de la bile, ce qui rendait la chose encore plus désagréable et douloureux. On aurait dit une saoûlarde un lendemain de veille, titubant, pieds nus dans sa robe de soirée.
Au bout du couloir, un petit escalier menait à la lumière du jour. Laissant derrière elle la flaque de bile, elle entreprit de le grimper. Tout était étroit, ici, et tout était en bois. L'escalier ne faisait que six marches, très raides.
Une fois dehors, elle comprit en un clin d'oeil pourquoi tout était si étroit, pourquoi cette nausée, pourquoi tout était en bois, pourquoi ces filets... Elle était sur un bateau.

*

Les renforts de la police scientifique étaient arrivés pour fouiller la maison de fond en comble. Dans la voiture qui les conduisait au port, Bill expliqua à Guillaume comment l'argent trahissait tous vos faits et gestes. Pendant que l'inspecteur était occupé à interroger la pauvre Madame Dusart, Bill était parti en quête des papiers de la comptabilité. Il avait trouvé pas mal d'informations intéressantes : factures d'entretien de la Cadillac, frais d'entretien d'un voilier, achat de fournitures diverses en parapharmacie et en matériel de navigation,... Ne fallait-il pas être un peu idiot, ou particulièrement sûr de soi, pour garder ainsi autant d'indices ?
Guillaume fit un point par téléphone avec Rousseau. Il préférait éviter la radio, car ce genre de type était capable de posséder un scanner pour capter les communications de la police.
_ J'appelle les gardes-côtes pour les prévenir de ton arrivée et je te rejoins sur place. Je t'en prie, reste cool et attends-moi avant de tenter quoi que ce soit.
Il raccrocha sans répondre à cette dernière injonction. Le regard sombre, il appuya sur le champignon et mit la sirène en marche. Il ne devait pas avoir une grande avance. S'ils arrivaient à temps, il n'aurait peut-être même pas encore quitté le ponton ? Un long silence, chargé de stress et de colère, emplit la voiture, malgré les sirènes hurlantes et les chevaux du moteur poussés à fond.
_ C'est votre femme, c'est ça ? osa Bill.
_ ... C'est ça ! admit Guillaume après un instant d'hésitation. Et il se mura dans le silence. Une larme, qui brillait dans son oeil depuis qu'il avait raccroché avec Rousseau, finit par se lancer sur sa joue. Il l'essuya d'un revers de la main.
Au moment de prendre le dernier embranchement en direction du port, il coupa la sirène et rentra le gyrophare. Pas la peine d'alerter le fugitif.
Arrivé sur le parking, il s'arrêta sur une place réservée « police », juste devant l'immeuble des gardes-côtes. Deux officiers l'attendaient devant la tour. A peine avait-il claqué la portière qu'ils s'avancèrent vers lui, tendant un listing imprimé.
_ Bonjour, moi c'est Lefebvre et lui c'est Moreno, nous sommes de la brigade maritime. Rousseau nous a prévenus. Voici la liste des bateaux partis en mer depuis ce matin. Si on ne regarde que les bateaux de plaisance, ça nous en fait près d'une centaine, abonnés et bateaux de passage inclus. On est en haute saison et le temps est parfait, tout le monde veut sortir aujourd'hui.
_ Vous avez bouclé le port ? Demanda Guillaume, lui prenant la liste des mains.
_ Non, nous ne pouvons pas faire ça. Vous n'imaginez pas...
_ Je veux que chaque bateau soit fouillé avant de prendre la mer, c'est bien clair ? Plus un seul bateau ne quitte ce port tant qu'il n'aura pas été fouillé. Combien d'hommes pouvez-vous me prêter ?
_ Vous ne vous rendez-pas compte, c'est de la folie !
_ Faites ce que je vous dit, une vie est en jeu. Et ne les prévenez pas de la fouille. Retardez juste les départs le temps d'envoyer une de vos équipes pour contrôler les identités de tous les occupants. Pas d'appels radio et la plus grande discrétion est de mise. Briefez-les en leur montrant cette photo, c'est elle qu'on cherche.
Il sortit une photo de son portefeuille. Avant de la leur tendre, il ne pu s'empêcher de la contempler, laissant glisser son doigt sur le visage souriant de Vera. C'était pendant leur voyage de noces, à Bali, juste après sa première leçon de plongée. Un petit coup de soleil qu'elle avait attrapé sur le bateau rougissait ses joues et son petit nez, soulignant ainsi son regard clair, ses cheveux mouillés étaient plaqués vers l'arrière.
Lefebvre lui prit doucement la photo des mains, soudain radoucit.
_ Je vois, on met toutes nos équipes sur le coup.
Puis, après un instant d'hésitation...
_ Désolé pour vous, on va faire le maximum.
_ Montrez-leur aussi celle-ci, intervint Bill, que personne ne semblait avoir remarqué jusqu'ici. C'est le suspect numéro un, Daniel Emilien Lacomble, fils de Madeleine Dusart. Est-ce que l'un de ces deux noms figurent sur vos listes ?
_ Merci Bill... Pendant que j'accompagne les équipes sur le terrain, vous voulez bien aller avec Moreno vérifier les listes?
Benedetti avait de la gratitude dans les yeux. Bill fut touché de cette marque de confiance.
_ A vos ordres, chef ! répondit-il avec un petit clin d'oeil.

(à suivre...)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Viiiiiiiite la suite ! Bravo Belle soeurette !

Anonyme a dit…

Et quoi? Q'est ce qui se passe ? On est Dimanche ...et pas de N 14 :-( ...Peut etre dimanche prochain ? Julie