lundi 19 mars 2007

Un ennemi de poids (4)

_ Nous avons réservé une table pour deux, au nom de Benedetti.
_ Bien sûr, veuillez me suivre.
L'élégant maître d'hôtel les guida vers le fond de la salle, où les attendait leur table habituelle, dressée dans la petite alcôve et éclairée à la bougie.
Sans qu'ils aient à commander quoi que ce soit, deux coupes de champagne leur furent servies aussitôt.
_ Tu sais déjà ce que tu prends ? demanda Vera, les yeux plongés dans la carte des suggestions.
_ Je crois que je vais me laisser tenter par le carpaccio de thon rouge, suivi des tagliatelles à la truffe. Et toi ?
_ Mmmh ! Excellent choix, je pense bien que je vais te suivre...
_ On l'accompagne de leur fameux petit Valpoliccella ?
_ Parfait pour moi !
Alors que le garçon venait de leur tourner le dos afin d'aller transmettre leur commande en cuisine, le téléphone de Guillaume se mit à vibrer. La façon qu'il eut de rouler des yeux pour signifier son agacement provoqua le petit rire cristallin qui lui plaisait tant chez Vera. Il dégaina son portable comme si c'était un revolver et ce dernier failli lui échapper des mains. Pour se rattrapper et profiter un peu plus longtemps de son rire, il le fit sursauter plusieurs fois dans ses mains, comme si c'était un poisson glissant, avant d'enfin regarder l'écran pour voir qui appelait.
Son visage s'obscurcit.
_ C'est le bureau, je dois prendre cet appel... désolé. Benedetti, j'écoute...
A sa tête qui s'allongeait, Vera sut que leur petite soirée allait être raccourcie.
_ Bon, OK. J'arrive tout de suite.
Il raccrocha et releva des yeux de chien battu pour croiser le regard de sa femme qui souriait d'un air triste.
_ Bah, vas-y... Il faut bien quelqu'un pour sauver le monde. Je prendrai un taxi, ne t'inquiète pas.
_ Chérie, je suis tellement désolé, mais c'est cette vilaine affaire sur laquelle je suis...
_ Ne m'en dis pas plus, je ne veux rien savoir. Ecoute, je comprends tout à fait. En t'épousant, je savais à qui j'avais à faire. Et si passer mon deuxième anniversaire de mariage seule peut aider à arrêter un meutrier, un voleur ou je ne sais quelle autre genre de crapule, alors je terminerai la soirée seule, c'est comme ça et puis c'est tout. Tout ce que je te demande, c'est de faire attention à toi.
_ Je fais au plus vite, conclut-il en l'embrassant sur le front. Toi aussi, fais attention à toi. Tiens, voilà 100 euros. Termine le repas et prends un taxi pour rentrer. Je t'aime, ma puce.
_ Moi aussi, allez file !
Il avait déjà tourné le dos et se dirigeaitd'un pas pressé vers la porte tout en enfilant sa veste. Juste avant de franchir le pas, il se retourna et lui envoya un baiser dans les airs, qu'elle attrappa de la main gauche avant de le poser sur ses lèvres.

*

_ Vous êtes sûr que c'est notre homme ? Je ne vois pas le rapport avec les autres crimes...
Benedetti avait rejoint Rousseau à l'hôpital. Ils regardaient tous deux à travers la vitre une équipe de médecins urgentistes occupée à s'affairer sur le corps d'un énorme bonhomme.
_ C'est le témoignage du flic qui l'a trouvé qui m'a mis la puce à l'oreille. Il paraît que le gars n'arrêtait pas de beugler des inepties du genre « Je vais maigrir, c'est promis! » etc. Ca m'a fait penser à votre théorie de ce matin sur les gros. Je voudrais bien pouvoir l'interroger pour en avoir le coeur net.

A ce moment-là, une infirmière sortit du bloc.
_ Excusez-moi, mademoiselle, savez-vous s'il va s'en sortir ?
_ Vous êtes de la famille ?
Rousseau et Benedetti sortirent d'un même mouvement leur carte de la criminelle.
_ Déjà ? Vous avez fait vite ! Eh bien, écoutez... le gars a perdu beaucoup de sang et les chirurgiens se donnent beaucoup de mal pour essayer de remettre de l'ordre dans ses organes de digestion, mais je dirais qu'il a de bonnes chances. Heureusement, votre collègue l'a trouvé assez rapidement on dirait, et c'était à deux pas d'ici. On a donc pu réagir très vite.
_ Vous pouvez nous donner ses vêtements ? Il faut qu'on les apporte au labo pour les faire analyser. Il se peut qu'ils nous racontent des choses sur le mec qui lui a fait ça. Benedetti, tu te charges d'interroger les ambulanciers. Moi, je reste ici pour voir s'il s'en sort et Williams est à l'endroit où on l'a trouvé pour faire des prélèvements. On se retrouve ici dès que tu as fini pour l'interroger.

*

Au moment de payer l'addition, Vera hésita à demander au maître d'hôtel de lui réserver un taxi, puis elle décida qu'elle préférait marcher un peu et en trouver un dans la rue.
Lorsqu'elle sortit du « Palais Vénitien », un brise agréable vint lui caresser le visage. La nuit était éclairée par la pleine lune et le ressac accompagnait harmonieusement cigales. Vera se mit en quête d'un taxi, décidée à oublier sa légère déconvenue et à profiter de ce bel instant, fut-ce seule.

*

(à suivre...)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Me voila de retour ! Genial !Belle soeurette, ta plus fidele lectrice