jeudi 26 avril 2007

Un ennemi de poids (8)

Quand Rousseau débarqua au poste, la grosse horloge qui surplombait les portes battantes menant aux bureaux marquait 7h32. Benedetti l'y attendait déjà, les cernes creusés et le regard angoissé. Ses coups de fils matinaux n'avaient rien donné. Outre la famille et les amis, il avait également appelé les compagnies de taxi, qui n'avaient embarqué personne correspondant au signalement de Vera cette nuit-là. Le restaurant était fermé, bien entendu, mais il était parvenu à trouver le téléphone du patron. Ce dernier se souvenait bien du départ de la jeune femme à la robe rouge, c'était aux alentours de 23 heures, et elle était seule. A sa connaissance, elle n'avait pas passé de coup de fil depuis le téléphone du restaurant.
_ Je ne peux pas m'empêcher de songer à ce taré qui était dans les rues, hier soir...
_ Si ta théorie sur l'obésophobe est juste, elle ne devrait rien risquer, adorable comme elle est...
_ Tu ne l'as plus vue depuis le mariage, elle a pris quelques kilos. Bien sûr elle est toujours sublime, mais je ne sais pas à quel point les critères de ce malade sont stricts.
_ Bon, reprenons depuis le début. Tu m'as dit qu'elle était où ?
_ Au Palais Vénitien, sur l'Avenue des Coteaux. Si elle avait prévu de rentrer à pied, deux choix s'offraient à elle : prendre le chemin le plus court en suivant le Boulevard Rimbeau, puis l'Avenue des Cerisiers, ou alors longer la plage en prenant la promenade pour piquer ensuite sur l'Avenue du Parc.
_ Mmmh... Cette deuxième option semble plus bucolique, si l'on veut terminer la soirée agréablement en profitant de la brise, tu ne crois pas ?
_ C'est bien ce qui m'inquiète. Ce trajet la rapproche du quartier où l'on a retrouvé notre étripé, hier soir.
Il appuya ses dires en pointant une carte de son index rongé jusqu'au sang. Il avait tracé les deux itinéraires au fluo, celui de la plage en orange, l'autre en vert. Et au gros marqueur rouge, il avait fait une croix à l'endroit où l'étripé avait été déposé. Cette croix était effectivement dangereusement proche du secteur de l'itinéraire orange...
_ Bon sang, j'espère que tu te trompes. Mais imaginons un instant que tu aies vu juste, cela nous donnerait au moins une direction dans laquelle chercher. Qu'est-ce qui se trouve dans le prolongement de l'axe ?
_ Le centre commercial, les quartiers à discrimination positive et, plus loin, les beaux quartiers des collines.
_ Le genre de quartiers où l'on conduit des décapotables rouges ?
_ Ca dépend de la décapotable, mais y a des chances, oui... Je demande à Williams de me sortir la liste de toutes les décapotables rouges.
_ Attends au moins qu'il soit 8 heures, je te rappelle que lui non plus n'a pas beaucoup dormi cette nuit... Sur ce, je vais nous faire du café.

*

A plusieurs reprises, il avait sorti son matériel d'intervention, dessiné sur son corps les découpes envisagées, mais jamais il ne parvenait à être satisfait du résultat. Il la lavait alors entièrement afin d'effacer les vilaines traces qui zébraient sa peau et rangeait son matériel pour le ressortir quelques dizaines de minutes plus tard et recommencer.
Sa tension commençait à monter. Il maugréait en-dedans contre cette femme qui venait bouleverser ses plans et remettre en cause ses convictions.
Une fois il l'avait même giflée. La dose de sédatifs qu'il lui avait injectée l'empêcha de réagir ou même de sentir ce qui lui arrivait, mais de crainte qu'un vilain hématome ne vienne gâcher ce doux visage, il s'empressa de poser un cool-pack sur la joue ainsi attendrie.
(à suivre...)

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Super bien écrit !...
On attend la suite avec impatience (en faisant régime !)

Anonyme a dit…

super !
Merci

Anonyme a dit…

La Suiiiiiiiiiiiiiiiiiite !!! Julie