dimanche 2 avril 2006

Un simple professeur

Demain est un grand jour. A 65 ans, Mathieu reçoit le prix qui récompense sa carrière, sa vie. Pendant toutes ces années, il a enseigné avec toute la passion dont il était capable les lettres à des milliers d'étudiants, il a consacré le reste de son temps à sa communauté, à s'occuper de sa mère. L'enseignement et le partage du savoir furent son sacerdoce. Sa récompense : donner le goût de l'écriture à l'un, élargir la vision étroite de l'autre, faire tomber un a priori,...

Et demain, il doit recevoir un prix. Un prix pour toute une vie. Ses pairs vont l'encenser, il y aura de beaux discours très émouvants, un bon repas, et des centaines de gens pour l'honorer. On dirait un peu une oraison funèbre à laquelle il aurait la chance d'assister de son vivant.

Mathieu n'arrive pas à trouver le sommeil. Il n'a pas réussi à mettre un point final à son discours. Comment accepter ce genre de prix ? Comment dire merci sans paraître ronflant ? Comment traduire une si longue et si enrichissante expérience en un tout petit discours de 3 minutes ?

"Merci. Merci à vous tous d'être ici ce soir. Il n'y a pas de mots pour vous dire l'émotion qui est la mienne aujourd'hui. "


Non, non. Banal, plat, déjà entendu...

"Je ne sais que vous dire. Tout cela me semble tellement excessif."


Non, définitivement non. Ca sonne comme de la fausse modestie.

"Je n'irai pas par quatre chemins. L'honneur que vous me faites aujourd'hui est tout simplement..."


Grrrr... Bon, il n'y a plus qu'à se résigner. De toute évidence, rien de bon ne sortira plus ce soir. Mathieu s'endormit en espérant que le lendemain serait plus prolifique.

Et il ne put jamais le vérifier. Dans la rubrique nécrologique, on a pu lire que ce professeur émérite rendit son dernier souffle dans son sommeil, à quelque heures de la soirée de consécration de sa carrière. Pour son oraison funèbre, les centaines d'invités au dîner de gala avaient fait le déplacement, accompagnés de centaines d'autres amis, voisins, famille, anciens élèves. Les discours furent émouvants et élogieux, avec certains accents de consécration pour certains.

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