dimanche 24 juin 2007

Un ennemi de poids (19)

Vera s'était réfugiée dans la petite cabine du fond du couloir, celle-là même où elle s'était réveillée ce matin avec une gueule de bois. Elle était complètement paniquée et se demandait comment se sortir de là. C'était bien pire qu'elle ne se l'était imaginée. Dire qu'il y a seulement quelques heures, son principal souci était de trouver comment expliquer à son mari qu'elle était partie en bateau avec un inconnu. Là, elle se retrouvait avec un problème bien plus sérieux à régler : il fallait qu'elle s'échappe d'un bateau perdu en pleine mer dont le capitaine était un boucher psychopate avec lequel elle venait de tromper son mari ! A la simple évocation des photos qu'elle avait trouvé dans le tiroir du bureau, ses hauts le coeur menacèrent de lui faire rendre le champagne qu'elle avait fini par accepter.
Il y avait bien un canot de sauvetage auto-gonflant, elle l'avait remarqué qui était attaché à côté de la bouée sur l'un des murs extérieurs du poste de navigation. Mais comment arriver jusque-là sans se faire remarquer de Daniel ? Elle l'entendait qui était occupé à ramer dans la salle de gymnastique, juste à côté. Quand bien même elle y arriverait et parviendrait à le détacher, le mettre à l'eau, le faire gonfler et monter à bord, comment s'en sortirait-elle ? Elle ne savait pas le moins du monde où ils se trouvaient. Elle pouvait très bien dériver des jours et mourir de faim, de soif, ou noyée avant que quelqu'un ne la retrouve. Si jamais on la retrouvait. Puis si Daniel remarquait sa disparition, il pouvait la poursuivre, la retrouver et alors le sort qui l'attendrait... Elle préférait ne pas y penser.
Elle ne pouvait pas non plus faire semblant de rien. Tout d'abord, elle serait incapable de le regarder à nouveau dans les yeux, le toucher ou pire encore, l'embrasser. Et elle ne pouvait pas non plus se permettre d'attendre qu'il se décide à faire d'elle sa prochaine victime. Il fallait qu'elle agisse. Et vite ! Elle n'aurait qu'une seule chance, il ne fallait pas la louper.

*

En sortant de sa douche, Daniel était tout guilleret. Il avait enfin trouvé sa Galatée. Il allait pouvoir faire d'elle la femme parfaite qui sera digne de lui. Elle avait déjà la peau douce et tendre. Ses yeux, son nez et sa bouche ne nécessitaient aucune retouche et ses seins ronds et pleins avaient un port royal. Il espérait pouvoir la sculpter sans avoir à faire appel à une intervention intrusive.
Pour visualiser son rêve, il s'assit à sa table de travail et décida de remanier le dessin qu'il avait fait d'elle la veille, chez sa mère, à la façon Rose Dewit Bukater dans Titanic. Mais lorsqu'il ouvrit le tiroir, quelque chose n'allait pas. Les objets avaient été déplacés. Cette petite garce était venue fouiller dans ses affaires ! Il allait désormais être plus compliqué d'utiliser la manière douce...

*
Le réveil marquait 5:12 quand le portable de Benedetti sonna. Il se réveilla en sursaut pour décrocher.
_ Benedetti, j'écoute.
Bill s'était assis sur son lit et regardait le jeune inspecteur écouter avec attention ce que l'autre lui racontait au bout du fil. D'un seul coup, toute fatigue disparut du visage de Guillaume et il bondit hors de son lit.
_ J'arrive tout de suite !
Puis, se retournant vers Bill :
_ Ils l'ont retrouvé ! Le bateau. Il est à quelques miles des côtes chypriotes. En route, ils nous attendent avec un hélico.
Il ne lui fallu pas dix minutes pour arriver sur le tarmac. Au moment de grimper avec l'équipe d'intervention armée, le capitaine se retourna vers Bill.
_ Désolé, pas de civil à bord.
Guillaume voulut intervenir pour qu'ils le laissent grimper, mais Bill lui fit non de la tête.
_ Vas-y vite, je reste ici, tu n'as pas besoin de moi là-bas. Tu sais où me trouver, de toute façon.
Et, ponctuant sa phrase d'un clin d'oeil qui signifiait que l'affaire était entendue, il se retira pour les laisser partir.

*
Vera respira un grand coup, pris son courage à deux mains et sortit de la cabine avec l'air le plus naturel possible sur le visage.
_ Aaahh... Messaline est réveillée, bonjour ma charmante princesse, fit-il en l'enlaçant pour l'embrasser dans le cou.
Vera fit de son mieux pour ne pas se raidir et se surprit elle-même en parvenant à lui répondre d'un baiser.
_ Bonjour, mon prince charmant. Tu as bien dormi ?
Il fallait qu'elle atteigne la cuisine...
_ Je dors toujours peu. Tiens, je nous ai préparé le petit déjeuner. C'est ce que j'appelle mon élixir de beauté : pommes, carottes, citron, oeuf et un peu de poudre de perlimpimpin, dit-il en tapotant le couvercle d'une grosse boîte cylindrique en plastique argenté portant la mention « Fat Killer ».
_ Mmmh ! Merci, ça a l'air délicieux, répondit Vera en regardant de travers le verre qu'il lui tendait. Ce qu'il contenait avait une couleur rose-orangé un peu étrange. Mais il fallait qu'elle gagne du temps et du terrain. Elle avala donc une gorgée et se retint de faire une grimace en déglutissant.
La nausée la prit par surprise et elle eut tout juste le temps de plonger vers l'évier pour ne pas en mettre partout.
_ Eh bien merci, ça fait plaisir ! Je te préparerai encore ton petit déjeuner... Attends, je vais te servir un verre d'eau.
Pendant qu'il lui tournait le dos pour trouver un verre dans l'armoire suspendue, Vera se saisit de ce dont elle avait besoin et le glissa dans la poche de son peignoir. Elle détestait cette sensation nauséeuse qui ne la quittait pas depuis deux jours, mais cela lui avait permi d'atteindre la cuisine de la façon la plus innocente qui soit, et c'était parfait comme ça.
Daniel se retourna et lui offrit un grand verre d'eau qu'elle avala d'une traite.
_ C'est vraiment dommage que tu aies mis ton joli nez là où il ne fallait pas.
Elle reçut cette remarque comme un coup de poing dans le ventre. Alors comme ça il savait ? Elle était perdue. Il fallait qu'elle agisse, elle glissa ses deux mains dans les poches de son peignoir.
_ De... de quoi veux-tu parler ? Je ne vois pas, je...
Elle commençait à avoir le tournis. Ah non ! Pas ça... Il fallait qu'elle reprenne le dessus sinon elle était perdue.
_ Je suppose que c'est hier soir quand tu es descendue après que je t'aie honorée pour la quatrième fois ? Enfin, ça n'a plus d'importance. Je voulais te coacher, faire de toi une reine de beauté à la force de mon amour. Je vais être obligé d'utiliser une méthode plus expéditive, puisque tu ne veux plus de moi.
_ Mais qui t'as dit que je ne voulais plus de toi ? C'est vrai, j'ai... vu ces photos, mais j'ai compris ton ... ton travail. Je... tu...
_ Tu ne te sens pas bien ? C'est probablement ce que j'ai mis dans ton verre d'eau. Finalement, c'est une aubaine que tu aies vomi ton verre d'elixir, car mélangé à ces aliments, l'anesthésique aurait certainement mis plus de temps à agir que dans un simple verre d'eau.
C'était donc ça ? Il ne lui restait que peu de temps, elle sentait ses jambes trembler. Rassemblant tout ce qui lui restait de force, de concentration et de courage, Vera sortit ce qu'elle cachait dans ses poches. Elle jeta au visage de Daniel le contenu de sa bouteille de parfum. C'était Minotaure de Paloma Picasso. L'instant d'après, elle y mit le feu avec l'allume-gaz dont elle venait de se saisir à côté de l'évier.
Daniel n'eut pas le temps de réagir. Il poussa un hurlement où se mêlaient la rage, la peur et la douleur et porta ses deux mains à son visage.
Pendant qu'il était occupé à vociférer, Vera se sentait partir. Il fallait qu'elle se cache et se mette hors de sa portée, car si cela ne le tuait pas, il ne fallait pas qu'il puisse la trouver. Elle se hissa à l'extérieur et, incapable de tenir debout, elle rampa jusque sous un banc, derrière des bouteilles de plongée.

dimanche 17 juin 2007

Un ennemi de poids (18)

Finalement, ils n'avaient pas touché au repas et s'ils s'étaient servis de la table, ce n'était pas pour manger. Daniel ne pouvait se rassasier de son corps, il la caressait comme si ses mains pouvaient la sculpter, l'embrassait comme s'il pouvait la dévorer... Ils avaient fait l'amour quatre fois d'affilée, dans des positions dont Vera ne soupçonnait même pas l'existence, sur un matelas de coussins assemblés tel un salon marocain.
Alors qu'il s'était assoupis, Vera ne parvenait pas à trouver le sommeil. Elle avait touché le fond et sentait les larmes lui enserrer la gorge. Afin de ne pas réveiller son amant, elle se glissa doucement hors de ses bras, et descendit dans ce qui servait à la fois de cuisine, de salle à manger, de salon et de bureau, pour laisser libre cours à son chagrin.
Là, assise nue sur un tabouret, elle se haïssait pour être aussi laide, elle se haïssait pour avoir trahit Guillaume, elle se haïssait d'être aussi bête. Que pouvait-elle faire maintenant ? Il fallait qu'elle dise à Daniel que leur liaison est impossible. Mais pourrait-elle un jour soutenir à nouveau le regard de son époux ? Elle serait incapable de lui cacher ce qui était arrivé, et lui ne pourrait pas la pardonner. Vera savait qu'elle ne pourrait se pardonner elle-même.
Afin de mettre de l'ordre dans ses idées, et de préparer ce qu'elle allait dire à Guillaume, elle décida de lui écrire une lettre. Elle ouvrit le premier tiroir du bureau pour y chercher du papier et un stylo. Elle se saisit d'un trousse en cuir noir et fit glisser la tirette. Mais elle ne contenait aucun matériel d'écriture. Au lieu de cela, elle y trouva des scalpels, seringues, écarteurs, aiguilles de sutures... Elle ne savait pas que Daniel était chirurgien. Mais après tout, que savait-elle de lui ? Piquée par la curiosité, elle continua de fouiller le tiroir. Il s'y trouvait un dossier en carton gris qui ne portait aucun titre. Lorsqu'elle l'ouvrit, ce qu'elle y découvrit l'horrifia tant qu'elle sursauta et le dossier lui échappa des mains, éparpillant tout son contenu par terre.
En tentant de les rammasser pour les remttre en place, elle eut un haut le coeur tant les images étaient insoutenables. Des corps d'hommes et de femmes mutilés, couverts de sutures tellement grossières que du sang s'en écoulait encore, et posant dans des positions suggestives carrément intolérables. Certains avaient même la bouche cousue. Il y avait là des dizaines de photographies, des dizaines de victimes. Dans ce dossier se trouvaient également des tas d'articles de presses et d'internet concernant les techniques de chirurgie plastique : liposuccion, réduction mammaire, pose d'anneaux gastriques...
Il fallait qu'elle remette tout en place avant qu'il ne se réveille. Alors qu'elle refermait le tiroir, elle l'entendit appeler dehors sur le pont.
_ Chérie ? Ma déesse, que fais-tu loin de moi ?
L'entendant se lever pour la rejoindre, elle se précipita vers l'évier pour faire semblant d'y boire.
_ J'arrive, j'avais juste un peu soif...
Sa voix tremblait. Elle espérait qu'il ne s'en apercevrait pas.
_ Hmmm... Tu sais que de voir ton corps ainsi dénudé me rends complètement fou ? Viens ici que je te mange !
Il avait descendu les quelques marches du petit escalier menant au pont et était venu se caler derrière elle, nu lui aussi, pressant sur ses fesses toute sa vigueur, empoignant son sein droit d'une main et faisant remonter l'autre délicatement entre ses cuisses.
_ Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as l'air toute tendue ?
_ Non, non, ce n'est rien... J'ai des frissons, c'est tout. Ca s'est un peu raffraîchit, non ?
_ Je m'en vais te réchauffer, moi, tu vas voir...
_ C'est pas que je n'en ai pas envie, mais je ne crois pas être encore en état. Il faut que je me repose un peu. Ca t'ennuie si je me couche dans un lit ?
_ OK, princesse, comme tu voudras. Fais comme chez toi. Moi, je suis en pleine forme, je vais me défouler un peu dans la salle de sport. Si tu me cherches, c'est la deuxième porte à gauche, après la salle de bain.
Elle se força à sourire lorsqu'il l'embrassa. Elle était terrorisée. Pour ne pas lui laisser le temps de percevoir son trouble, elle fit demi-tour et se dirigea d'un pas qu'elle voulait le plus naturel possible vers la petite cabine dans laquelle elle s'était réveillée le matin, tout au bout du couloir. Elle sentait son regard dans son dos.
_ Tu ne préfères pas la grande ?
Elle redoutait cette question. Elle se retourna avec un sourire gêné pour lui répondre.
_ Disons que je ne m'y sens pas vraiment chez moi. J'aurais un peu l'impression de dormir dans le lit de ta mère, c'est un peu embarrasant.
A ces mots, Daniel eut un petit tic nerveux sur le visage.
_ Comme tu voudras...

*
_ Quelle mouche la pique ? se demanda Daniel. D'abord elle est chaude comme la braise, puis d'un seul coup froide comme un glaçon. Je l'ai peut-être vraiment épuisée... C'est vrai que je me suis particulièrement illustré, ce soir.
Tout en ramant comme un fou sur son appareil, Daniel regardait défiler les miles sur l'écran numérique tout en se congratulant pour ses performances sexuelles. Rien qu'y repenser fit naître une nouvelle érection.
Après quarante-cinq minutes de rameur, il s'empara de ses haltères et se mit face au miroir. Son corps nu était luisant de sueur et cela soulignait le dessin parfait de ses muscles. Il aimait ce corps. Et même si les rondeurs de Vera l'avaient rendu fou, il était sûr qu'elle serait encore mille fois mieux avec un corps comme le sien. Il était sûr qu'elle comprendrait. Elle avait complètement craqué sur lui, comment pourrait-elle ne pas vouloir d'un corps pareil ? Puis il seraient tellement mieux assortis... C'est vrai qu'elle était une bête au lit et que ses formes avaient l'avantage d'être particulièrement sensuelles. Et il devait reconnaître qu'elle parvenait à se sublimer en s'habillant de façon appropriée. Mais ne formeraient-ils pas un merveilleux couple s'ils étaient moins différents ? Contrairement aux autres à qui il avait dû imposer un changement, il était persuadé qu'elle accepterait d'elle-même de faire les efforts nécessaires. Dès demain, il lui en parlerait et lui proposerait un programme intensif à base d'exercices physiques et d'un régime draconnien.
Il regarda sa montre et vit que ça faisait déjà deux heures qu'il était occupé. Il était temps de prendre une douche, de préparer l'itinéraire de demain et le petit déjeuner de la princesse...

*

Guillaume avait réservé une chambre avec lits jumeaux au Mercure Grimaldi, à deux pas de la Promenade des Anglais. Avant de se rendre au restaurant de l'hôtel, ils décidèrent d'aller prendre un douche. Il avait fait chaud aujourd'hui, et le stress de la situation les avait fait transpirer plus que de raison. Guillaume passa en premier. Pendant ce temps, Bill alluma la télévision. Cela faisait des années qu'il n'avait plus pu zapper. Il avait bien regardé des matches de foot dans des bistrots, mais c'était la première fois qu'il tenait une télécommande depuis qu'il était à la rue.
Quand ce fut son tour, il était plongé en plein « Qui veut gagner des millions » avec un Foucault qui avait bien vieilli depuis la dernière fois qu'il l'avait vu...
Dans la salle de bain, il ne put s'empêcher de récolter tous les savons miniatures, cotons-tiges, shampoing et autres rasoirs jetables mis gracieusement à leur disposition par l'hôtel. Cela lui permettrait de maintenir pendant quelques jours l'aspect humain qu'il avait récupéré aujourd'hui.
En retournant dans la chambre, il découvrit que Guillaume s'était endormi tout habillé, affalé en travers de son lit. Il lui ôta ses chaussures, l'installa confortablement et s'empara de la carte du service d'étage.
Lorsque le groom vint lui apporter sa commande, le candidat millionnaire en était à la douzième question et il ne lui restait plus aucun joker. La question était « Laquelle de ces grosses fortunes n'est pas classée dans le top 10 mondial établis par le magazine Forbes ? » Les quatres propositions étaient « A- Bill Gates, B- Lakshmi Mittal, C- Michael Dell et D- Bernard Arnault »
_ Facile, dit-il en allant ouvrir la porte.
Malgré les efforts que faisaient le garçon d'étage pour faire le moins de bruit possible, Guillaume se réveilla. Probablement à causes du fumet délicieux qui s'échappait des cloches posées sur la table roulante.
_ Désolé, Bill, je me suis endormi.
_ Pas grave, j'espère que vous aimerez ce que je vous ai commandé...
_ Et de quoi s'agit-il ?
_ Chèvre chaud, Tortillas mexicaine, brochettes de boeuf marinées, pommes de terre au four et salade de jeunes pousses à la pomme et au roquefort, énuméra fièrement le garçon d'étage. Bon appétit, messieurs !
Guillaume le raccompagna jusqu'à la porte et lui tendit un billet de cinq euros.
_ Je ne peux pas accepter, monsieur, c'est contre les principes de l'hôtels, mais je vous remercie.
Pendant ce temps, le candidat millionnaire avait décidé d'abandonner la partie, ne pouvant se décider entre Lakshmi Mittal et Bernard Arnault. Jean-Pierre Foucault lança alors un appel aux téléspectateurs pour permettre à l'un d'eux de remporter cinq mille euros. Bill se précipita sur le téléphone, mais Guillaume lui tendit son portable.
_ C'est un sms qu'il faut envoyer. Tenez, je vais le faire pour vous. Quelle est la bonne réponse ?
_ C'est C-Michael Dell.
Guillaume composa le message avec agilité sur le petit clavier de son appareil dernier cri, presque aussi mince qu'une carte de crédit.
_ Et voilà ! Cinquante centimes d'euros offerts à TF1... Faut bien qu'ils vivent ces pauvres gens ! Bon appétit, Albert. Et merci pour ce succulent repas, c'est exactement ce que j'aurais commandé.
Bill ne répondit pas, car il avait la bouche pleine, mais hocha de la tête pour lui signifier qu'il lui souhaitait la réciproque.
Le portable de Guillaume sonna. Numéro inconnu. Comme il attendait des nouvelles des autres, il décrocha. L'interlocuteur se présenta et Guillaume devint pâle comme un linge.
_ C'est... c'est une blague ? Vous vous foutez de moi ?
_ Qu'est-ce qui se passe ? Mauvaise nouvelle ?
_ Non, vous avez gagné... Vous avez gagné les cinq mille euros ! Quelles coordonnées puis-je leur donner ?
_ Donnez-leur les vôtres, je suis SDF, je vous le rappelle...
Tout excité, Guillaume épella consciencieusement ses coordonnées complètes, remercia dix fois l'opératrice et raccrocha.
_ Je n'en reviens pas, dit-il à l'attention de Bill. Je joue toutes les semaines à Euromillions, je ne gagne jamais rien, et vous, il suffit que vous envoyez un sms et vous gagnez cinq mille euros ! Vous êtes un sacré veinard !
Puis, se rendant compte que la personne qu'il avait en face de lui était probablement tout, sauf un veinard, il ajouta :
_ Euh, enfin, je veux dire, ça tombera vraiment à point, ça va peut-être vous permettre de repartir du bon pied et de retrouver une situation plus normale, qu'en dites-vous ?
_ Avec ça, je pourrais tenir un mois ou deux en payant un loyer et en faisant des courses... Mais après ça, si j'ai pas de boulot, c'est de nouveau la rue. Et c'est probablement ça le plus dur pour un gars comme moi : convaincre un employeur qu'on peut être quelqu'un de fiable.
_ Moi, je sais que vous êtes quelqu'un de fiable, et quelqu'un de bien. Que diriez-vous de travailler avec nous dans la police ? Je pourrais en toucher un mot au commissaire, on est en manque d'effectif en ce moment...
_ Mais il n'y a pas des concours à passer, et tout ça ?
_ Si, mais je suis sûr que vous les passerez haut-la-main, puis je pourrai vous aider.
_ Si vous pensez que c'est à ma portée, je serais ravis de travailler avec vous. La journée d'aujourd'hui m'a vraiment appris énormément sur le métier de flic, et je crois que j'adorerais ça.
_ C'est décidé, demain j'en parle à Rousseau, je suis sûr qu'il sera d'accord. En attendant, mangeons tant que c'est chaud, je meurs de faim.
(à suivre...)

samedi 16 juin 2007

Un ennemi de poids (17)

Lefebvre entra dans la salle de réunion dont ils avaient fait leur QG, avec l'expression d'un oiseau de mauvaise augure peinte sur son visage.
_ Les hélicos rentrent... Il fait trop sombre maintenant, ça ne sert plus à rien.
Guilaume voulut d'abord se mettre en colère, leur dire qu'ils ne pouvaient pas s'arrêter comme ça, que c'était sa femme entre les mains de ce monstre. Mais il savait qu'ils avaient raison. On peut utiliser un hélicoptère de nuit quand on sait où chercher, mais pour ratisser le large, il faut la lumière du jour.
Pendant que les hélicos patrouillaient et que l'enquête de voisinage continuait, Williams avait analysé le contenu de l'ordinateur de Lacomble, et même si ce dernier avait bien veillé à effacer systématiquement ses historiques de navigation, il avait tout de même laissé des traces... D'après les cookies retrouvés sur son ordinateur, on avait pu voir qu'il s'était renseigné sur plusieurs destinations ces dernières semaines. Il s'était rendu sur le site du port de Calvi, celui d'un riad à Marrakech et avait effectué de nombreuses recherches dont le point commun était chypre.
Cela leur laissait donc trois destinations possibles. D'emblée, tous les ports de ces villes avaient été prévenus et attendaient de pied ferme un voilier nommé Youngblood. Interpol diffusait déjà largement la photo de Lacomble et de Vera.
_ Tu devrais rentrer, conseilla Williams. Tu n'as pas dormi depuis plus de 40 heures.
_ Je ne peux pas rentrer et dormir pendant que Vera est peut-être occupée à se faire charcuter par ce boucher.
_ Oh si ! Tu vas rentrer, c'est moi qui te le dit, intervint Rousseau. Et c'est un ordre. Si tu refuses d'obéïr, je vais être obligé de te suspendre. Déjà, je ne devrais pas te laisser mener cette enquête, étant donné que tu es personnellement impliqué...
Au regard que lui porta Benedetti, Rousseau su qu'il avait marqué un point. Il avait d'abord cru qu'il allait se jeter sur lui, puis lu une sorte de résignation sur son visage fatigué.
_ OK, OK... Je vais me coucher. Vous avez bien une couchette, ici, Moreno ?
_ Non, tu rentres CHEZ TOI, insista le commissaire. On t'appelera si il y a du nouveau. On a un peu dormi la nuit dernière, nous.
Ca ne servait à rien de lutter. Puis si il ne dormait pas un peu, il ne serait pas en état de poursuivre demain. Il se leva de sa chaise, le dos vouté, la tête baissée, les traits tirés, et se dirigea vers la porte.
Au moment de la franchir, il se retourna vers les autres. Il restait Lefebvre , Moreno, Rousseau, Williams et... Tiens, où était passé Bill ?
_ Merci pour tout les gars, on se retrouve ici demain à l'aube. Je veux que dès les premières lueurs du jours, trois hélicos soient occupés à survoler les trajets vers les destinations suspectées.
_ A vos ordres, chef ! plaisanta Rousseau avec le sourire.
En passant devant la terrasse du « Petit Baigneur » - l'endroit où se retrouvaient souvent les habitués du port – il aperçut Bill assis à une table en compagnie de trois gaillards costauds. Une cigarette au bec et un verre de ce qui ressemblait à du coca devant lui, il tapait la carte joyeusement. Lorsqu'il croisa le regard de Guillaume, il s'excusa aussitôt auprès de ses partenaires, les remercia et quitta la table pour venir le rejoindre.
_ Ils vous ont chassé ? demanda-t-il.
_ C'est à peu près ça, oui. Disons que si je ne rentrais pas, j'étais retiré de l'affaire, suspendu et tout et tout.
_ Vous ne devez pas vous en faire. Je pense que s'il prend la peine de l'emmener en bateau, c'est effectivement pour atteindre une destination. Il ne lui fera rien avant d'être arrivé sur place.
_ J'espère que vous avez raison, c'est ce que j'essaye de me dire aussi, mais je ne parviens pas à écarter ces images de mon esprit. Ses autres victimes, ce qu'il en a fait...
Tout en parlant, les deux hommes avançaient d'un pas lent le long du parking bordé de bar-tabacs, de gargottes et de magasins de souvenirs. Arrivés à la voiture, Guillaume ouvrit sa portière et, voyant que Bill ne faisait pas mine de bouger il lui intima de monter. Il avait l'air ennuyé.
_ Montez, je vous dis ! S'il vous plaît. J'apprécie beaucoup votre compagnie, et vous me rendriez service en ne me laissant pas passer cette soirée seul.
Flatté par l'invitation, Bill monta côté passager. Guillaume fit vrombir le moteur et quitta le parking en trombe, un demi-sourire sur les lèvres.
_ Albert, je tiens vraiment à vous remercier pour tout ce que vous avez fait aujourd'hui. Vous feriez vraiment un bon flic, vous savez ?
_ C'est amusant que vous disiez ça, parce que je n'y avait vraiment jamais songé. Jusqu'à présent, les seuls flics que je connaissais sont ceux des romans que les gens oublient parfois sur les bancs de la gare. Je n'avais jamais lu ce genre de littérature avant. Je n'en avait pas beaucoup le temps, il faut dire.
_ Si je peux être indiscret, mais ne vous sentez pas obligé de répondre... Comment en êtes-vous arrivé là ? J'ai entendu dire que vous deviez votre surnom à la fortune dont vous disposiez avant...
_ Arf ! Vous ne voulez pas vraiment le savoir... Oui, j'étais riche avant, et en quelque sorte, je le suis encore plus maintenant. Je n'ai plus un balle, c'est vrai. Je dois faire la manche pour manger, et au lieu de manger le plus souvent je bois, je pue parce que je ne me lave que très sommairement, une fois de temps en temps dans les toilettes... Mais j'ai appris énormément sur les gens en vivant ainsi. Je passe mon temps – et du temps j'en ai – à observer le monde qui bouge autour de moi. Vous savez, quand on est un clodo, on est presque invisible pour les « vivants », et cela vous permet d'être témoin de scènes que peu de gens voient, parce que l'on ne montre pas ces facettes-là au monde. J'ai surpris une pervenche en train de pleurer en cachette après s'être faite engueuler par un automobiliste mécontent. J'ai vu une bonne soeur manger six tablettes de chocolat en cachette puis prier pour se faire pardonner son péché. J'ai entendu de jeunes anorexiques se plaindre de leurs bourrelets. J'ai connu des beurs qui voulaient vraiment faire changer les choses dans leurs quartiers. Je cotoie des putes qui sont vraiment des filles bien... Et puis, je vous ai rencontré, vous. Vous me donnez un sentiment d'utilité que je n'ai plus éprouvé depuis bien longtemps.
Ils étaient arrivés. Guillaume coupa le moteur. Bill s'apprêtait à sortir de la voiture, mais voyant que Guillaume ne bougeait pas, il interrompit son geste.
_ On ne sort pas ?
_ Si, si. C'est juste que... l'idée de cet appartement vide... N'y voyez aucune proposition malhonnête, mais ça vous dirait qu'on aille plutôt à l'hôtel ?
_ Monsieur est grand prince ! Comme il vous plaira, Majesté.
(à suivre...)

dimanche 10 juin 2007

Un ennemi de poids (16)

Enveloppée dans l'élégante sortie de bain en soie que lui avait préparée Daniel, Vera hésitait à sortir de la salle de bain. Le reflet que lui renvoyait le miroir n'était pas très joyeux. Elle avait les yeux boursoufflés d'avoir trop pleuré et ne parvenait pas à soutenir son propre regard, rongée qu'elle était par la honte.
Autant elle était soulagée de savoir qu'ils étaient occupés à faire demi-tour et qu'elle allait retrouver Guillaume (elle avait craint un instant que Daniel ne soit un pervers sexuel qui l'avait droguée et enlevée), autant elle redoutait ces retrouvailles et les explications qu'elle allait devoir fournir. D'un autre côté, il était un peu responsable aussi... Il n'aurait pas dû l'abandonner seule le jour de leur anniversaire de mariage. C'est vrai, elle savait que cette enquête était importante pour sa carrière. C'était une marque de confiance de son supérieur que de l'avoir mis sur cette affaire et il avait à coeur de prouver à son chef qu'il avait eu raison de faire ce choix. Mais leur premier anniversaire de mariage n'était-il pas important, lui aussi ?
On frappa à la porte.
_ Vera ? Est-ce que tout va bien ? cela fait une heure que vous êtes là-dedans...
_ Oui, oui, tout va bien, je vous remercie.
Elle ouvrit la porte.
_ Où avez-vous mis mes vêtements ?
_ Je les ai lavés, ils sont occupés à sécher sur le pont. Mais si vous le voulez, je peux vous donner quelque chose à mettre en attendant, ma mère a laissé une garde-robe entière de vêtements qu'elle ne porte plus...
Daniel l'emmena dans une cabine deux fois plus spacieuse (et luxueuse) que celle dans laquelle elle s'était réveillée. Un lit double, flanqué de deux tables de nuit, faisait face à un grand placard qui prenait tout un pan de mur. Pour la première fois, elle remarqua que tout était fait d'un beau bois sombre et dur. Elle ne s'y connaissait pas en bois, mais cela lui sembla être un matériau précieux. Elle n'avait pas vraiment porté attention à tous ces détails jusqu'ici, mais ce bateau était de toute évidence aménagé avec goût.
Daniel fit glisser la porte coulissante du placard, dévoilant ainsi une longue tringle bien fournie.
_ Voilà, choisissez ce qui vous plaira.
Et il quitta la pièce avec discrétion.
Vera commença l'exploration du placard et fut surprise par la diversité de son contenu. S'y trouvaient côte à côte un tailleur Yves Saint Laurent taille 36 emballé dans une housse qui sentait la naphtaline, une chemise de bucheron tachée taille 52, des vêtements homme et femme de tous styles et de toutes tailles, et visiblement aussi de toutes époques... On aurait dit un vrai supermarché de seconde main, sauf qu'ils n'étaient absolument pas rangés selon un ordre logique.
Curieuse, Vera décida aussi d'ouvrir les tiroirs. Le premier contenait visiblement le petit linge de Daniel : chaussettes, caleçons, linge de corps... Elle le referma vite pour ouvrir le second, dans lequel elle trouva ce qu'elle n'osait espérer : des gaines ! Il y en avait aussi de toutes les tailles. On aurait dit que la femme qui les avait porté avait grossi d'année en année, car on pouvait presque les dater par ordre de taille. La taille 40, la plus étroite, était dans un matériau dur, rigide et assez peu élastique que l'on ne fait certainement plus de nos jours. La taille 44, qui intéressait Vera, semblait un peu plus récente, mais néanmoins elle était sûre que ce modèle ne se vendait plus depuis longtemps.
Elle finit par jeter son dévolu sur un bel ensemble tailleur-pantalon, très classe, signé Coco Chanel. La veste courte style caban couleur marine arborait une double rangée de gros boutons et le pantalon à pont blanc, aidé par la veille gaine, avait un effet amincissant trompe-l'oeil assez agréable. Elle n'en revenait pas... C'était la première fois, et certainement la dernière, qu'elle portait un ensemble griffé. Même si ça avait été à portée de son portefeuille - ce qui n'était pas le cas - elle n'aurait jamais pu imaginer pouvoir porter une tenue haute-couture avec son gabarit !
Elle avisa un troisième tiroir, plus grand, sur sa droite. Lorsqu'elle le tira, c'est une coiffeuse pliable qu'elle découvrit. Parfait ! Il lui fallait assortir son visage au résultat probant de l'habillage, rien de tel qu'un peu de maquillage et qu'une belle coiffure. Elle releva ses cheveux en un chignon lâche, se poudra et souligna ses yeux d'un trait de khôl noir et d'un peu de mascara. Elle avait peine à se reconnaître.
Au moment de replier la coiffeuse, Vera sursauta. Daniel se trouvait là, devant elle, immobile. Elle ne l'avait pas remarqué plus tôt. Il souriait.
_ Vous m'avez fait peur ! Depuis quand êtes-vous là, à me regarder ?
_ Vous êtes resplendissante. Vous êtes vraiment une femme de goût, vous savez ? Suivez-moi sur le pont, j'ai quelque chose à vous montrer...
Il la précéda dans le petit escalier raide qui menait au pont. Là, il avait dressé une belle table éclairée à la bougie. Le soleil était sur le point de disparaître à l'horizon (elle ne s'était pas rendu compte qu'elle avait traîné si longtemps) et la lumière était magnifique. Il régnait une athmosphère particulière, presque surnaturelle. Vera fut à la fois touchée et émue. Tant de galanterie et d'attention lui donnait l'impression d'être une princesse.
_ Puis-je vous offrir quelque chose à boire ? N'y voyez pas une tentative pour vous saoûler : j'ai de l'eau, du jus d'oranges pressées, du coca light... Ou alors on pourrait se permettre une demi-bouteille de champagne rosé, mais je ne voudrais surtout pas vous forcer la main.
_ Je suis désolée, je ne voulais pas insinuer que vous m'aviez saoûlée. J'avais déjà bu avant de vous rencontrer hier soir. Je sortais du restaurant où j'avais bu une coupe de champagne suivie d'une bouteille de vin italien. J'imagine qu'il ne m'a pas fallu grand chose en plus pour être vraiment saoûle... Dans un cadre pareil, je crois que le champagne s'impose. Mais je resterai sage, promis ! Je vous remercie pour tout ce que vous faites pour moi.
_ Mais c'est tout naturel. C'est moi qui vous remercie d'avoir embelli mon existence de votre présence. C'est fou ce que certaines rencontres peuvent tout changer, vous ne trouvez pas ?
_ Daniel, dit-elle le rose aux joues, vous êtes un charmeur, mais vous avez dû remarquer ceci...
Elle lui montra sa main gauche, celle qui portait l'alliance bicolore dotée d'un brillant qui la liait pour toujours à Guillaume.
_ Oui, fit Daniel en baissant les yeux d'un air vaincu, j'ai en effet remarqué. J'espérais secrètement qu'il ne s'agissait que d'un souvenir duquel vous auriez juste un peu de mal à vous séparer.
_ Je suis navrée. Tout est de ma faute. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Mais en attendant d'arriver à Nice, je suis ici avec vous et je veux me faire pardonner en vous montrant que je peux passer une soirée sans perdre connaissance et en restant digne. Je pense pouvoir être d'agréable compagnie, même sobre !
_ Mais j'en suis convaincu !
Et il servit deux flûtes et porta un toast à leur rencontre. Lorsqu'ils se regardèrent pour trinquer, le moment dura un peu plus longtemps qu'il n'aurait dû. Il s'apprétait à se pencher pour l'embrasser quand Vera détourna la conversation et la tête par la même occasion.
_ Vous nous avez vraiment fait une magnifique table. Ca donne faim rien qu'à la regarder. Dites, avant que l'on ne passe à table, je ne voudrais pas vous paraître indélicate, mais vous pensez que je pourrais me servir de votre radio pour prévenir mon mari de notre retour ? Il doit être mort d'inquiétude à l'heure qu'il est ! Je suis sûre que toute la police du département doit être à ma recherche. Je l'aurais bien appelé depuis mon portable, mais évidemment je n'ai pas de réseau ici.
A ces mots, le visage de Daniel devint blanc comme un linge. Vera ne remarqua rien. Il fallait qu'il détourne son attention. Tentant le tout pour le tout, il prit son menton et retourna son visage vers le sien, l'enlaça de son bras gauche et l'embrassa fougueusement. Il sentit d'abord le corps de Vera se raidir, comme si elle s'apprétaît à se débattre, puis elle céda et se laissa emporter un instant avant de le repousser doucement.
Elle leva les yeux vers lui, ouvrant la bouche comme pour parler, mais ne sut pas quoi dire. Déchirée entre le feu qui s'était réveillé en elle et l'alliance qui brûlait à son doigt, elle aurait voulu disparaître sur le champ. Elle n'avait cessé d'éprouver un certain trouble en présence de Daniel, même si elle avait voulu l'écarter et le nier. Elle avait beau essayer de s'accrocher au souvenir de Guillaume, l'homme qui la tenait dans ses bras en cet instant l'attirait comme un aimant. Lorsqu'il se pencha sur son visage pour reprendre possession de ses lèvres, elle n'opposa aucune résitance.
_ Mon Dieu je suis perdue ! pensa-t-elle avant de se laisser entraîner dans un tourbillon de baisers.
(à suivre...)